Sur les traces du Père Vitalis, faux prêtre belge qui sillonne la France

Paul-Henri Wallet

Vers la fin du mois de janvier, un homme vêtu d’une tenue monastique a visité diverses communautés religieuses du sud-ouest de la France. Au cours de son périple, l’attitude du mystérieux ecclésiastique interpelle les religieux qu’il rencontre. Il se révèlera finalement être un faux prêtre et un ancien délinquant condamné par la justice belge à de multiples reprises.

En découvrant la photo de cet homme chauve à la peau mate, Jean-Claude le reconnait immédiatement. « Oui je me souviens, il était venu célébrer une messe ici avec le Père Gourrier, je l’avais vu passer vers la fin du mois de janvier », indique le sans domicile fixe, qui fait la manche devant l’église Saint-Porchaire, dans le centre-ville de Poitiers. Ce jour-là le sexagénaire aux cheveux blancs coupés ras, n’avait rien relevé d’anormal. « Vous savez ici, il y a régulièrement des prêtres de passage. Ils viennent pour la journée et on ne les revoit plus jamais », rapporte-il ce jeudi 7 mars. Ce dernier religieux, pourtant, sortira du lot en attirant l’attention de la presse locale quelques semaines plus tard. Contrairement à ce qu’il affirme, en effet, l’homme n’a jamais été ordonné prêtre.

Jean-Claude sans domicile fixe qui fait la manche devant l'église Saint-Porchaire de Poitiers.
Jean-Claude, sans-domicile fixe de 67 ans a vu le Père Vitalis rentrer dans l'église Saint-Porchaire de Poitiers. Paul-Henri Wallet/CFJ

Tout a commencé avec une mise en garde du diocèse de Toulouse, le mercredi 21 février 2024. « Les jésuites nous alertent sur un homme se faisant passer pour un prêtre, il utilise les noms de P. Vitalis ou Fr. Jourdain. Il est accompagné par un jeune de 20 ans, possiblement sous emprise. Condamné à plusieurs reprises, il séjournait dernièrement dans l’ouest de la France », indique l’institution sur son site et ses réseaux sociaux. Les publications s’accompagnent d’une photo de l’individu. Le quadragénaire est vêtu d’une soutane grise, il arbore une croix autour du cou et un col romain. Un jeune d’une vingtaine d’années se tient à ses côtés, en jean et veste à capuche noire. Les deux hommes prennent la pose devant un reliquaire dans une église.

Cette alerte, que le diocèse a reçue des jésuites de Toulouse avait été envoyée à ces derniers par leur maison mère à Paris. « Elle est issue d’un bulletin de la conférence des religieux et religieuses de France », explique la congrégation. Dans ce document, daté du 26 janvier, que le CFJ a pu consulter, la Coref affirme que l’homme « se présente avec un présumé postulant dans les monastères, couvents ou autre lieux spirituels ». Elle ajoute que «généralement, il demande le gite et le couvert » et précise qu’il souhaite également « célébrer ou à concélébrer », c’est-à-dire à officier au cours de la messe. Contactée, l’institution indique que la première alerte à ce sujet est issue du monastère bénédictin Saint-Martin de Ligugé, situé à 10 km de Poitiers.

L'alerte donnée par le diocèse de Toulouse.
Le diocèse de Toulouse a lancé une première alerte sur son site internet. Capture d'écran/site du diocèse de Toulouse

Ligugé sonne l'alerte

L’homme est venu frapper à la porte de cette abbaye le 23 janvier, accompagné de son jeune acolyte. En arrivant au magasin tenu par les moines, celui qui se présente comme le père Vitalis rencontre le supérieur de la communauté, et déclare appartenir à un ordre dominicain : la communauté du père Lataste de Béthanie. « Cette affirmation, m’a tout de suite semblée étrange » indique le supérieur de Ligugé au CFJ. « Les Dominicains sont vêtus de blanc et non de gris. Sa tenue me faisait davantage penser à un frère de la communauté de Saint-Jean», précise-t-il.  Pendant son séjour, les moines sont surpris par l’attitude étrange et fuyante du faux prêtre. Pris d’un doute, ils lui demandent de présenter son celebret, la carte professionnelle mise en place par l’église à destination des prêtres. « Mais il n’en avait jamais entendu parler» rapporte le supérieur. Les deux hommes qui avaient réservé deux chambres à l’hôtellerie de l’abbaye dorment sur place et repartent dès le lendemain matin. Après leur départ, les moines signalent leur passage à la Coref et à la gendarmerie.

Sur le réseau social Facebook, le père Vitalis a créé une page dédiée à sa communauté. Dans une présentation, truffée de fautes d’orthographe, il se présente comme « frère Jourdain », le « premier prieur général » de cette congrégation prétendument fondée en 2012. Il explique s’inspirer du « Bienheureux père Marie-Jean-Joseph Lataste, apôtre des prisons », un moine français du 19e siècle. L’homme indique enfin accueillir « des hommes de 18 à 99 ans précarisé et sortant de prison. »

Capture d'écran de la page Facebook de la faute communauté créée par le "père Vitalis".

« Sa tenue ne m’a pas choqué »

Après son passage à Ligugé, le père Vitalis gagne Poitiers, où il se présente au père Gourrier, un prêtre du diocèse. Il lui explique alors qu’il effectue un pèlerinage. Contrairement aux moines, ce prêtre, qui intervient régulièrement dans les médias, n’est d’abord pas surpris par son attitude. « Sa tenue ne m’a pas choqué, vous savez aujourd’hui il y a tellement de communautés nouvelles dans l’église que l’on ne peut pas toutes les connaitre », justifie l’ancien chroniqueur de l’émission « Les grandes gueules » sur RMC. Pendant leur rencontre, le père Vitalis demande au prêtre s’ils peuvent célébrer la messe ensemble. Le prêtre accède à sa demande. Mais au cours de la célébration, l’imposture du faux prêtre lui saute aux yeux. « Au moment de la consécration [Le moment ou le prêtre consacre les hosties qui vont être distribués aux fidèles NDLR.] j’ai utilisé la prière eucharistique numéros deux, et il ne la connaissait pas du tout », se rappelle le père Gourrier. « De toute évidence cet homme ne pouvait pas être prêtre et pourtant il était à mes côtés en pleine messe. Je n’ai rien dit et les paroissiens ne n’en sont pas rendu compte, mais intérieurement j’étais blême », poursuit-il.

Après la messe, le duo demande au prêtre de les accompagner à l’abbaye de Fontgombault, un autre monastère bénédictin de la région. Ce dernier accepte et prend contact, avec le supérieur de l’abbaye au préalable. « Avec le père abbé, que je connais bien, nous avons convenu qu’il viendrait l’accueillir dès l’entrée et qu’il lui demanderait immédiatement son célébret», détaille le père Gourrier.

Grande culture religieuse

Au cours de l’heure de voiture qu’ils passent ensemble entre Poitiers et Fontgombault, le prêtre est impressionné par la « grande culture religieuse » du Père Vitalis. « Il connaissait beaucoup de choses. Et il parlait très bien du Père Lataste, le Saint Patron de sa prétendue communauté », se rappelle-t-il. A presque vingt minutes de l’arrivée, les trois hommes passent par le lieu-dit « La Puye ». En découvrant le panneau, le faux prêtre s’anime. « Il m’a dit : « mais je connais, la Puye, il y a là un monastère dont sont parties deux sœurs, pour fonder un orphelinat en Belgique. C’est là-bas que j’ai été élevé » » rapporte- le père Gourrier. L’homme demande alors à s’arrêter pour rendre visite aux Filles de la Charité, les sœurs qui occupe le couvent de La Puye.  Jointes par téléphone, ces religieuses ont confirmé au CFJ, le passage des deux hommes, mais ont refusé de donner davantage de détails. A nos confrères belges de SudInfo, elles ont précisé que les visiteurs étaient restés « une demi-heure, et qu’ils avaient simplement demandé à visiter la chapelle, où une sœur les avaient accompagnés ». C’est à cette occasion que la photo qui illustre l’alerte du diocèse de Toulouse sera prise.

À leur arrivée à Fongombault, vers 11 heures, le mercredi 24 janvier le supérieur de l’abbaye vient comme convenu à leur rencontre. « Il avait déjà cherché à venir depuis un moment, mais sa démarche était étrange », se rappelle le frère hôtelier. Et de préciser : « Il avait refusé de s’inscrire sur notre site internet en prétextant manquer de batterie et voulait absolument réserver son séjour par téléphone. » À l’abbaye, l’homme affirme être « Le Père Vitalis » et précise que son prénom est Jourdain. Il présente son jeune acolyte, qui reste muet sous le nom de Pierre-Louis. Lorsque le supérieur, lui demande son celebret, l’homme se vexe et veut partir sur le champ. « Il a demandé un numéro de taxi, et comme nous n’en avions pas à lui donner immédiatement, il a prétexté d’aller en chercher un dans la voiture pour faire demi-tour et partir », explique le frère hôtelier. À ce moment, ni le prêtre ni le moine ne cherchent à retenir le duo. « Ils ont été vus à l’épicerie du village, ils ont surement dû réussir à trouver une voiture de là-bas », explique le frère hôtelier.

L'Eglise belge ne connaît pas ce prêtre

Après leur départ, le supérieur de l’abbaye de Fongombault, téléphone au diocèse de Charleroi, pour vérifier si l’église locale, avait connaissance de ce prêtre. La réponse, du vicaire Général Olivier Fröhliech, également contacté par le CFJ est sans équivoque. « Je peux vous assurer que la congrégation des « Frères Lataste de Béthanie n’existe pas. Et je suis certain que cette personne n’est pas prêtre », affirme l’ecclésiastiques. « Je connais tous les prêtres du diocèse et il n’en fait partie. »

Les motivations du père Vitalis, sont assez floues. Reste que l’homme a cherché à rencontrer un maximum de communautés religieuses et à prendre la parole lors de ses visites. Pendant son séjour à Poitiers, il a encore été vu dans deux autres lieux de cultes. Ainsi, Nicole, une paroissienne de Saint Porchaire, se rappelle l’avoir entendu à Notre-Dame-la-Grande, une église romane du centre de Poitiers. « Je venais pour assister à la messe, mais le prêtre n’est pas venu », indique, celle qui reconnait l’homme sur la photo que nous lui présentons. « Ce prêtre s’est alors avancé dans l’église pour dire quelque chose, mais cela ne m’a pas marqué. J’ai vu qu’il n’y avait pas de messe alors je suis partie », poursuit-la dame vêtue d’une doudoune rouge.  Les deux hommes sont également passés par le monastère de l’Union Chrétienne où les religieuses se sont tout de suite montrées très méfiantes. « Il avait vraiment l’air bizarre, et on ne l’a pas laissé rentrer. Nous avons reçu  l’alerte de la Coref deux jours plus tard » indique l’une d’entre elle, refusant de donner davantage de détails. À la suite de la venue des deux hommes, les religieuses ne signalent pas leur passage. Mais l’une d’entre elles, Sœur Marie Esquivas, publiera une mise en garde sur la page Facebook de la communauté le 24 janvier : « Des escrocs, se font passer pour des prêtres».

Sœur Marie Esquivas, a publié une mise en garde sur la page Facebook de la communauté le 24 janvier. Capture d'écran page Facebook.

Le parquet de Poitiers ouvre une enquête

Lors de leur visite à Ligugé les deux hommes avaient indiqué qu’ils souhaitaient se rendre à Lourdes. Mais après leur départ de Fontgombault, ils semblent s’être évanouis dans la nature. Plus aucune trace de leur passage n’a été relevée dans les communautés religieuses. Un mois plus tard, alors que l’affaire commence à sortir dans la presse locale le parquet s’en saisit et annonce qu’une enquête est ouverte pour tentative d’escroquerie, en l’occurrence : « l’usage d’une fausse qualité afin de se faire héberger. » Le procureur de la République indique que « des investigations se poursuivent pour localiser le mis en cause afin de l’entendre ».

Dans son alerte, le diocèse de Poitiers indique que Pierre-Louis, le jeune qui accompagne le père Vitalis pourrait être « sous emprise ». Plusieurs indices, semblent venir étayer cette hypothèse. Parmi toutes les personnes qui ont rencontré le binôme aucune n’a entendu le son de la voix du jeune homme. « Il était littéralement muet », précise le supérieur de Saint-Martin de Ligugé. Pour justifier cette extrême discrétion, le père Vitalis indique au père Gourrier que Pierre-Louis est néerlandophone et qu’il ne parle pas français. Pourtant, il « s’adressait à lui que dans cette langue » précise ce dernier. Selon Jean-Claude, le sans-abri de l’église Saint-Porchaire, le jeune homme se tenait toujours en retrait. « Le prêtre, il parlait beaucoup, mais lui restait sur le côté, il s’asseyait à part », précise-t-il.

Au cours du séjour des deux hommes à Ligugé, un détail interpelle le supérieur de l’abbaye pendant déjeuner. « Ce père Vitalis a demandé au jeune de prendre des médicaments et il s’est exécuté comme s’il avait oublié de le faire», explique le moine. « À ce moment-là, j’ai senti quelque chose de malsain chez cette personne, mais je n’ai pas voulu penser à mal et je n’ai rien relevé», explique le moine. 

 

Un faux prêtre belge a le même profil

Très peu de temps après la première alerte donnée par le monastère de Ligugé, le profil du père Vitalis est rapproché de celui d’un autre faux prêtre : Saïd Boulaaras. Cet homme de nationalité marocaine né en Belgique avait été condamné à de multiples reprises par la justice belge.

Le lien entre les deux hommes n’aura pas été très difficile à établir. Tout au long de son parcours, le Père Vitalis n’a cessé d’indiquer qu’il venait de Belgique et sa page facebook localise la communauté qu’il prétend avoir fondée à Charleroi, la ville d’origine de Saïd Boulaaras. En Belgique l’homme se faisait appeler « Père Jordano », un nom très proche de du « Frère Jourdain » qui figure sur la même page Facebook. Lors de notre premier entretien avec la Coref, et avant que le sujet ne sorte dans la presse locale, l’association nous avait déjà rapporté que l’homme « était connu en Belgique, où il avait été condamné sous un autre nom. » « Si vous tapez : « Faux prêtre Belgique », vous devriez retrouver cette affaire rapidement », avait indiqué notre interlocuteur.

Contacté, le magistrat presse du parquet de Charleroi, Daniel Marière, a rapidement vérifié cette information. « J’ai présenté sa photo à un magistrat qui avait suivi ce dossier ainsi qu’à une journaliste chargée de couvrir son procès en 2022. Tous deux m’ont confirmé qu’il s’agit bien de la même personne », rapporte l’homme de loi.

En Belgique, Saïd Boulaaras, dispose d’un dossier judiciaire long comme le bras. Selon le média belge DH, l’homme a été condamné à cinq ans de prison en 2011, alors qu’il devait rendre compte de vols commis pour la majorité dans des églises, des écoles et des institutions sociales. À cette époque, il avait déjà passé plus de 14 ans derrière les barreaux. Selon le journal belge SudInfo, sa dernière condamnation date d’octobre 2023. L’homme avait alors été condamné pour plusieurs vols dont certains dans des églises.

Accusé de viol par trois jeunes hommes

Mais dans la carrière de malfrat de Saïd Boulaaras, une affaire est beaucoup plus grave encore. En 2022, ce marocain né en Belgique a été accusé de viols par trois jeunes hommes, d’une vingtaine d’année. C’est notamment cette histoire qui viendra étayer les soupçons d’emprise que le faux prêtre pourrait exercer sur le jeune Pierre-Louis.

Lors de ce procès, devant le tribunal du Hainaut, les plaignants ont dénoncé un même mode opératoire. Selon le jugement, chacun d’entre eux rapporte des tentatives de pénétration « commises pendant leur sommeil. » Le document indique, que ces actes «se poursuivent sous la menace de coups lorsqu’elles [les victimes] ont manifesté leur désaccord. » Dans cette affaire, les parties civiles ont un profil similaire : ce sont des toxicomanes originaires de Charleroi. Deux d’entre eux sont nés en 2000 le troisième en 1995.

L’un de ces jeunes, qui souffre d’un handicap mental, affirme que Saïd Boularaas lui payait sa drogue, ce que confirme un témoin. Selon Maître Isabelle Gobbe-Maudoux, l’avocate de l’administrateur de bien de la victime, Saïd Boulaaras, « avait approché le jeune homme dans la rue ». « Il était désœuvré. Il faisait la manche et il traînait dans des endroits un peu glauques », raconte-t-elle. Au procès, le toxicomane dénonce l’emprise que le prévenu exerce sur lui et son malaise face à son discours religieux. Dans sa détresse, il finit par se confier à sa mère qui va prévenir la police. Selon le jugement, la mère et le beau-père du jeune homme détaillent « l’agressivité du prévenu qui se présente comme un prêtre et qui marque sa possessivité » à son égard. À l’époque, la famille du jeune homme, pense qu’il a été approché par une secte.

«sûr de lui pendant l'interrogatoire»

Selon Maître Isabelle Gobe-Maudoux, Saïd Boulaaras est « sûr de lui pendant son interrogatoire ». L’homme plaide non coupable. Il assure que les trois hommes étaient consentants et affirme de surcroît qu’il entretenait une relation amoureuse avec deux d’entre eux.

Lors de son procès Saïd Boulaaras ne s’est jamais présenté avec un vêtement liturgique et une croix comme il le faisait parfois dans les rues de Charleroi ou plus récemment lors de son périple en France. « Mais il affirmait qu’il avait une formation religieuse et qu’il agissait auprès des jeunes comme un conseiller spirituel », précise Maitre Gobbe-Maudoux. « C’est toute l’ambivalence, propre aux manipulateurs, analyse l’avocate. D’un côté il prétend aider des personnes vulnérables et de l’autre il assume d’avoir des relations sexuelles avec eux ».

À l’issue du procès, le jugement établit que Saïd Boulaaras a « abusé de la situation sociale particulièrement défavorisée des victimes et de leur addiction aux produits stupéfiants ». Il retient la description « inquiétante de la personnalité du prévenu », faîte par l’un des témoins et précise qu’elle est « conforme aux traits relevés par l’expertise et à son attitude à l’audience. Le tribunal condamne finalement le prévenu à 15 ans d’emprisonnement et le contraint à verser 10 000 euros de dommages et intérêts à l’une des parties civiles.

Après cette sentence, le faux prêtre continue de clamer son innocence et demande un deuxième jugement. Défendu devant la cour d’appel de Mons par Me Maxime Töller, il martèle que chacune de ces relations étaient consenties. En appel, l’avocat liégeois, affirme « qu’il n’y a aucun témoin direct puisque les relations évoquées étaient intervenues dans le lieu de l’hébergement », rapporte la journaliste indépendante Laurence Wauters, qui a couvert le procès pour le média belge SudInfo. Me Töller plaide également, « qu’aucune constatation médico-légale pour relever des lésions liées aux supposés rapports sexuels forcés » n’a été faîte et que les plaignants n’ont pas fait de confidences avant l’enquête. Il soutient également qu’aucun échange par sms entre le prévenu et les victimes présumées n’étaye la thèse de l’abus sexuel. Il rappelle enfin que les trois jeunes gens fréquentant tous, le milieu toxicomane et qu’il ne pouvait être exclu qu’ils se soient entendus pour accuser son client.

 

«Nous ne pensions pas voir un aquittement»

Après cette plaidoirie, la cour affirme que la parole des victimes n’a pas été corroborée par des éléments objectifs et acquitte Saïd Boulaaras. L’homme ressort libre et n’a plus aucun dommage à régler aux parties civiles. Une décision qui surprendra beaucoup Me Isabelle Gobbe-Maudoux. «Honnêtement rien n’était normal dans cette histoire et c’est un dossier sur lequel nous ne pensions pas voir un acquittement », déclare l’avocate. Contactés, Me Maxime Töller et Me Sandra Berbuto, qui défendaient Saïd Boulaaras, n’ont pas donné suite à nos propositions d’interview.

Depuis la fin du mois de janvier, Saïd Boulaaras n’a plus fait parler de lui. La question de savoir si Pierre-Louis -si tant est qu’il s’agisse bien de son vrai prénom- est réellement sous emprise demeure sans réponse. Seule l’interpellation du suspect permettra d’en apprendre davantage sur ses motivations réelles et sur l’identité du jeune homme qui l’accompagne. Mais pour l’heure, plus de deux semaines après qu’une procédure a été ouverte à son encontre, le faux prêtre de Charleroi semble toujours introuvable.

La France n'en est pas à son premier faux prêtre

Selon la conférence des religieux et religieuses de France les imposteurs en soutane ne sont pas rares. L’association indique qu’elle effectue en moyenne cinq mises en garde par an au sujet de personnes malveillantes qui seraient tentées de visiter ses congrégations. « Et parmi ces alertes, il y a des cas de faux prêtres quasiment chaque année », rapporte l’organisme.

Certains cherchent à extorquer de l’argent. En 2023, France Bleu Isère rapportait le cas d’un prétendu exorciste, sévissant dans la région de Grenoble. L’homme profitait de l’état de faiblesse de ses victimes pour leur facturer des fausses séances de délivrance. En France, un délinquant s’est spécialisé dans le secteur depuis des années. L’homme s’appelle Edmond Romano et sa dernière condamnation remonte à 2021. À l’époque, le faux franciscain avait extorqué 2 500 euros à une fidèle de Saint-Raphaël (Var). Mais sa carrière d’imposteur avait commencé bien plus tôt. En 1998, Libération racontait déjà ses frasques dans les Vosges. Il y célébrait des messes, des enterrements, donnait l’absolution… et disparaissait avec les chèques de la paroisse.

Certains faux prêtres prétendent appartenir à d’autres églises lorsqu’ils sont démaqués. Ainsi, en 2017, le Berry Républicain, révélait qu’un magnétiseur célébrait des messes dans la région Vierzon. L’homme, dont le diocèse avait dénoncé les agissements, disait appartenir à « la Petite Église apostolique vieille-catholique pour la Fraternité de la mission Saint-Raphaël archange ». En 2021, selon Var Matin, un ancien candidat de téléréalité, qui travaillait dans un crématorium de la Seyne-sur-mer (Var), proposait des cérémonies religieuses lors des incinérations. Mais l’employé disait être « évêque de l’église apostolique et œcuménique ». Une organisation chrétienne méconnue en France. Mal informés, certains fidèles endeuillés « avaient été très choqués » en découvrant qu’il avait célébré pour leur famille sans appartenir l’Église catholique, rapportait le diocèse de Fréjus-Toulon au Figaro.