Sécurité aux JO 2024 : et si le pire arrivait

Délinquance, réseaux djihadistes, activistes… Les menaces sur les Jeux olympiques et paralympiques de Paris sont nombreuses. De l’attaque de drones à l’offensive cyber, voici cinq scénarios du pire.

Par Nicolas Guarinos - publié le 18 mars 2024

Tony Estanguet, président du Comité d’organisation des JOP 2024, n’a de cesse de le répéter. Paris sera, en juillet et août, « l’endroit le plus sécurisé au monde ». L’ancien champion de canoë slalom l’affirme en juillet sur RTL, il le redit au magazine Sport Business, après les émeutes de l’été. De nouveau, en octobre, lors d’un déplacement en Inde. Et une nouvelle fois, en février, au micro d’Eurosport.

Derrière ces déclarations d’intention se dessine une inquiétude. Délinquance, réseaux djihadistes, actions chocs de militants écologistes, cyberattaques… Les menaces sont nombreuses, exacerbées par un contexte géopolitique ombrageux, entre la guerre en Ukraine et la résurgence du conflit israélo-palestinien.

De l’attaque de drones à l’offensive cyber, voici cinq scénarios du pire. Les faits nous montrent qu’ils sont crédibles. Les autorités s’activent dès à présent à les prévenir. Pour que ces lignes restent, dans quelques mois, du domaine de la fiction.

Des membres du collectif écologiste Extinction rébellion manifestent à Paris, en 2019 (Crédits : Bastian Greshake Tzovaras/flickr)
Scénario 1

Le raid des ultra écologistes tourne mal

Le scénario noir. Mi-juillet. A quelques heures de l’arrivée des premiers athlètes, des membres du collectif écologiste Saccage 2024 tentent de s’introduire dans le village olympique. Une quarantaine de personnes détruisent les caméras, lancent des fumigènes et escaladent les clôtures. Pris de panique, un agent de sécurité ouvre le feu. Un militant décède. Dépassés, le gouvernement et le Comité d’organisation des Jeux réunissent une cellule de crise.

Les faits. Officiellement, la réunion devait porter sur les expulsions d’étudiants et de sans-papier. Ce 1er mars 2024, un public convaincu va en fait participer à l’ébauche… d’un plan de sabotage. Dans une annexe de la Bourse du Travail, à Paris, le collectif Saccage 2024 monte un étrange « groupe de travail ». Cette organisation de contestation sociale et écologique s’est érigée en réaction à l’organisation des JOP de Paris.

Ce soir-là, une trentaine de personnes sont invitées à réfléchir sur les actions de désobéissance civile à mener pendant les événements. Un jeune homme au look faussement négligé anime l’atelier. Ses manières élégantes tranchent avec les piercings au nez, les cheveux teints et les canettes de bière des autres membres.

Précautionneux, il commence par intimer l’ordre de déposer les téléphones dans une caisse en plastique blanc, qu’il éloigne dans un coin de la pièce. « Nous sommes là pour réfléchir ensemble aux lieux que nous allons viser », annonce-t-il. Les sièges du pouvoir sont tout de suite écartés : « on sera vite dégagés ». A la place, il propose trois sites. D’abord, la tour Pleyel. Un gratte-ciel de 140 mètres de haut, situé à Saint-Denis. L’immeuble abritait des bureaux d’entreprises privées. Il achève sa transformation en hôtel quatre étoiles. L’ouverture doit avoir lieu… juste avant les JOP.

Intrusion

Ensuite, le village olympique. Le jeune homme déroule son plan : « on a fait du repérage, un soir, il y a deux semaines. On a localisé un endroit où il semble qu’il n’y ait qu’à escalader un simple grillage ». C’était une semaine avant qu’Emmanuel Macron inaugure le village. « Désormais il y aura probablement plus de gardes. Il faut y aller le soir.(…) Il faut se poser la question de si on campe juste dans l’enceinte ou si on entre par effraction dans les bâtiments ». Troisième possibilité, le village médias, qui accueillera 1300 journalistes et techniciens. L’occuper serait, là encore, un bon moyen d’être filmé par les chaînes de télé du monde entier.

Une fille au fort accent italien demande : « on va faire du sabotage dans les bâtiments, comme couper des fils électriques ? » Réponse, sans ciller : « bien sûr ». Au bout d’une demi-heure, décision est prise de créer un groupe Signal – « plus sûr que Telegram, même si les deux sont cramés » – sur lequel la durée de vie des messages sera réglée à sept jours. Deux sous-groupes sont créés : ceux souhaitant faire du repérage, ceux souhaitant faire du « legal », c’est-à-dire trouver des avocats qui permettront de constituer une base juridique pour défendre les futurs occupants lorsqu’ils auront été interpellés.

Agitation sur le dark web

Ultra-écologistes, activistes de l’ultra gauche et de l’ultra droite… Tous sont bien décidés à faire de l’événement une tribune pour leurs luttes idéologiques. A deux mois du début du relais olympique, l’agitation dont font preuve ces réseaux occultes se répand sur le dark Web.

« Avec notre moteur de recherches sur le darkweb, nous comptons 6653 occurrences de l’expression “olympiques 2024”, rien que sur les sites actifs [ceux encore accessibles] », recense Nicolas Hernandez, PDG de la société de cybersécurité Aleph Networks. Un chiffre « en forte augmentation » qu’il faut mettre en perspective de ce qu’est le dark web : un espace virtuel où se cachent des gens souvent violents.

« Les six premiers sites sur lesquels on trouve le plus de citations correspondent à l’ultra gauche et aux ultra écologistes ». Il s’agit du CRIC, de Paris Lutte Info, de Numéro 0… En dix-huitième position, avec 24 citations, figurent les néonazis de Démocratie participative. « Ces citations sont des signaux faibles : des chiffons rouges que certains agitent pour pousser d’autres individus à s’indigner davantage et à passer à l’action ».

Les services de renseignement sont sur le pont

Le ministère de l’Intérieur prend la menace au sérieux. Une étroite surveillance est mise en place par les services de renseignement, au premier rang desquels la Direction nationale du renseignement territorial (DNRT, ex-SCRT). Écoutes, prises en filature, balisage de véhicules… Toutes les ficelles sont bonnes pour identifier les groupes les plus à même de passer à l’acte. Les informations remontent sous forme de notes quotidiennes au Centre de renseignement olympique.

En plus de la surveillance en amont des épreuves, d’importants moyens humains seront engagés sur le terrain pour parer à toute menace : activiste, mais aussi djihadiste… En moyenne, 30 000 hommes des forces de sécurité intérieure seront mobilisés chaque jour, et jusqu’à 45 000 certains jours, comme celui de la cérémonie d’ouverture.

Une attention particulière est portée au relais de la flamme. Avant d’arriver à Paris, celle-ci passera par 66 départements différents, à proximité de nombreux sites de contestation pour les militants écologistes. Comme celui de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, où un terrain doit accueillir de futures méga-bassines. Activistes et forces de l’ordre s’y sont violemment affrontés, en octobre 2022 et mars 2023. Parmi les premiers, deux blessés graves, dont l’un est resté un mois en coma artificiel.

Jeu de bonneteau au pied de la tour Eiffel. Crédit : Nicolas Guarinos
Scénario 2

La mort d’une touriste VIP fâche Paris et Pékin

Le scénario noir. Une septuagénaire chinoise meurt poignardée sur le Champs-de-Mars. Son agresseur cherchait à s’emparer de son sac de luxe. Elle visitait la capitale avec son mari, haut dignitaire du Parti communiste chinois. Arrivé le jour même pour saluer les athlètes de son pays, le président Xi Jinping réclame des excuses à la France, dans un discours en présence d’Emmanuel Macron. Et évoque une « société [française] en délitement ». Des dizaines de médias étrangers rapportent aussi les très mauvaises expériences de nombreux touristes. Le New York Times consacre sa Une aux violences sexuelles et sexistes « omniprésentes » dans la rue et les transports parisiens.

Les faits. « Do you speak english? » Affiches dans une main, stylo dans l’autre, plusieurs jeunes femmes interpellent les passants au pied de la tour Eiffel. Leur demandant de l’argent pour des causes prétendument humanitaires. Ce 3 février, Jesus, 28 ans, en a fait les frais. « Je lui ai tendu un billet de 5 euros, mais elle voulait davantage et j’ai refusé », raconte ce touriste péruvien, en visite à Paris depuis deux jours. « Alors elle a mis sa main dans la poche de mon pantalon dans laquelle elle m’a vu ranger mon portefeuille ». Le jeune homme réussit finalement à s’éloigner sans se faire dépouiller.

A l’approche des Jeux, des doutes subsistent quant à la sécurisation de quelques zones sensibles. Plusieurs épreuves se dérouleront notamment sur le Champ-de-Mars. Les forces de l’ordre auront pour mission de surveiller les lieux. « Cela ne fera que déplacer le problème, les délinquants iront ailleurs dans la capitale », rétorque un barman du quartier.

Quelques mètres plus loin, un homme accroupi fait passer une balle de gobelet retourné en gobelet retourné. Ses gestes sont faussement maladroits. Une petite troupe se forme autour de lui. Un complice pointe la tasse sous laquelle se cache la boule. Le maître du jeu, comédien, lui tend un billet de 50 euros. « Facile », se disent les touristes. Ils parient à leur tour. Les gestes de l’homme accroupi deviennent bien plus adroits. Les badauds comprennent trop tard qu’ils se sont fait berner. Ce jeu, dit du bonneteau, permettrait aux escrocs d’amasser jusqu’à 3000 euros les bonnes journées, selon la police.

Jesus, touriste de 28 ans, a bien failli se faire dépouiller. Crédit : Nicolas Guarinos

Le barman d’une brasserie à proximité s’indigne. La semaine précédente, un couple de touristes asiatiques lui a demandé de l’aide. Quatre hommes costauds réclamaient 300 euros pour rembourser le téléphone que le mari avait soit disant cassé. Il s’agit en fait d’une arnaque souvent exécutée : le malfrat tend un smartphone (déjà cassé) à sa cible pour qu’elle le prenne en photo, le fait tomber juste avant qu’elle s’en saisisse et l’accuse. Le barman a appelé la police et a mis le couple dans un taxi, direction l’hôtel. « Mais ils n’ont même pas emmené les jeunes au poste, s’étrangle-t-il. A quoi ça sert ? Ils sont mineurs ! »

« Hier, c’était une Brésilienne à qui on avait arraché son sac. Tous ses papiers étaient dedans »

« C’est moche », déplore aussi Yvan, serveur à la brasserie Le Champs-de-Mars. Avec sa voix apaisante, ce grand brun a dû calmer plus d’un client détroussé. « Certains viennent de se faire voler alors qu’ils sont à Paris depuis même pas deux jours. Hier, c’était une Brésilienne à qui on avait arraché son sac. Tous ses papiers étaient dedans ».

D’autres sites devant accueillir des épreuves sont gangrenés par la délinquance. Comme les alentours de l’Adidas Arena, porte de la Chapelle, dans le nord de la ville. Là se tiendront les compétitions de badminton. « On m’a proposé du tramadol à ma descente du tram », peste Edouard, 36 ans, architecte en reconversion.

Muriel, une quadragénaire croisée sur le boulevard de La Chapelle, observe malgré tout une nette amélioration ces dernières semaines. « Quand on descendait dans la bouche de métro, on voyait un groupe d’individus clairement en train de vendre de la drogue. Je n’ai jamais été agressée, mais je ne me sentais pas en sécurité. Depuis décembre, peut-être, je ne vois plus ces personnes ».

Davantage de policiers

Abdel Bennaceur, 26 ans, les observait aussi à la station de tramway. « Ils vendaient de la drogue et des cigarettes ». Yeux rieurs, barbe courte, le jeune homme se réjouit : « on dirait qu’ils sont partis, ça doit faire un mois et demi ou deux. C’est peut-être parce qu’il y a plus de policiers : tous les jours ils sont là ». Une aubaine pour sa famille qui vient d’ouvrir une boulangerie en face de la station de métro.

Le problème ne se situe pas qu’à l’échelle d’un quartier : les grands rassemblements constituent des points d’attraction pour les délinquants. Lors la demi-finale de Ligue des Champions entre Liverpool et le Real-Madrid, au stade de France, en 2022, une cinquantaine d’individus sont arrêtés et amenés à comparaître immédiatement pour des faits de violence contre les spectateurs qui attendaient de pouvoir rentrer dans le stade. Un seul d’entre eux résidait officiellement en France.

Vols à la portière

Luckane trouve encore parfois des bouts de verre dans le coffre de sa voiture. En novembre, ce chauffeur de taxi de 49 ans a été victime d’un vol à la portière. Il se trouve alors cent mètres après la sortie du tunnel du Landy (entre Paris et Saint-Denis), à l’embranchement de l’A1. Toutes les voitures sont à l’arrêt. Luckane entend un boum : un homme vient de briser la vitre arrière. Dans le coffre se trouve le sac Louis Vuitton de sa cliente, une Américaine d’une quarantaine d’années. Il contient 1500 euros. La riche touriste a été repérée dès son arrivée à Roissy par un complice. Le voleur s’enfuit à pied, traverse la voie et escalade une clôture. Luckane ne peut qu’amener la cliente à son hôtel puis l’accompagner déposer plainte. « J’ai perdu une journée de travail », déplore-t-il.

Luckane fait briller sa voiture-taxi. Crédit : Nicolas Guarinos

Il déboursera 200 euros pour le rachat d’une vitre arrière, pris en charge en partie seulement par sa société, sans compter la perte de temps occasionnée. « Cette délinquance nuit à l’image de la France. Derrière, ce sont nous les taxis qui devons gérer ces situations, car nous sommes le premier maillon de l’accueil du touriste ».

En octobre dernier, le chef de la délégation olympique mongole et son épouse étaient victimes eux aussi d’un vol à la portière à Paris. Un incident qui tombait d’autant plus mal que, le même jour, Emmanuel Macron recevait à l’Elysée le président de la Mongolie.

Viols de rue

La préfecture de police de Paris se félicite sur son site Internet de ce que « l’évolution de la délinquance à Paris et en petite couronne est favorable sur une majorité d’indicateurs ». Selon ces chiffres, les atteintes aux personnes n’auraient baissé que de 0,08 % dans l’agglomération parisienne par rapport à 2022. En revanche, les violences crapuleuses, c’est-à-dire les violences ayant pour but le vol, ont baissé de 17 %. Les violences dans les transports ont également baissé de 20 %.

En juillet, une femme de 34 ans est violée sur le Champs-de-Mars. Le violeur profite du soir pour se ruer sur sa victime, une touriste brésilienne sur le Champs-de-Mars. Il est finalement interpellé en décembre, selon Le Parisien. En février, une femme est emmenée de force dans des toilettes publiques dans lesquelles deux hommes la violent.

Selon les chiffres fournis au magazine Le Point par la préfecture de police de Paris, 93 faits de viols commis sur la voie publique ont été enregistrés sur l’année 2023, contre 92 en 2022. Sur la même année, les autorités dénombrent 656 faits d’agressions sexuelles.

Scénario 3

Un terroriste profite de la présence de faux agents de sécurité​

En moyenne, 30 000 agents de sécurité seront déployés pour sécuriser les JO. Crédits : pexels

Le scénario noir. Un individu d’une quarantaine d’années, qui avait prêté allégeance à l’EI, attaque au couteau la file d’attente qui patiente devant les guichets du stade de France. On déplore un mort et deux blessés graves. Une enquête est ouverte pour comprendre comment le terroriste armé a pu passer les barrages de palpation. Elle va montrer que plusieurs des agents de sécurité privée employés ce jour-là n’avaient pas de carte professionnelle. Les magistrats instructeurs soupçonnent que certains soient complices.

Les faits. Dix-sept à 22 000 agents attendus sur le terrain. Et autant de profils à étudier. Les moyens déployés pour la sécurisation des JOP de Paris, ses multiples zones et ses innombrables vigiles, peuvent laisser craindre un loupé dans la détection des candidats suspects.

« Les sociétés de sécurité privée sont confrontées à un risque d’infiltration par de futurs terroristes », alarmait Michel Mathieu dès 2015, au lendemain de l’attentat contre Charlie hebdo. Le président de la filiale française de Securitas, géant de la sécurité privée, s’inquiète alors dans Le Monde : « la profession a connu plusieurs dizaines de cas ces derniers mois. Il s’agit de personnes qui font souvent partie de l’effectif depuis longtemps, et qui, en quelques mois, se sont radicalisées et se mettent à prôner le djihad ».

C’est le Service national des enquêtes administratives de sécurité (Sneas) qui se charge de rechercher d’éventuels antécédents, comme il le fait pour chaque personne devant se rendre au sein des périmètres de protection autour des sites olympiques (agents de sécurité privée, vendeurs de gaufres, agents d’accueil, riverains…) Ce service, qui compte environ 200 hommes, aura fort à faire dans un laps de temps réduit.

900 000 enquêtes à réaliser en quatre mois

Sur le million d’enquêtes administratives de sécurité à réaliser, 89 000 ont été menées à terme, expliquait le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin lors de son audition par les sénateurs, le 5 mars. Pour la coupe du monde de rugby, 100 000 enquêtes avaient été réalisées. Enfin, la liste des 222 000 personnes invitées sur les quais hauts de la Seine par les « tiers de confiance » (administrations de l’Etat, collectivités territoriales…), pour la cérémonie d’ouverture, ne devrait être communiquée que vers fin mai.

Le Sneas n’aura peut-être pas tant de profils d’agents de sécurité privée à vérifier. « Il manque déjà actuellement 25 000 effectifs pour les besoins hors JOP », alerte Pierre Brajeux, le président de la fédération des entreprises du secteur. « Si on a 3000 agents pour les Jeux, c’est déjà bien », renchérit Linda Kebbab, déléguée générale du syndicat SGP Police. L’armée n’étant pas habilitée à effectuer des palpations, cela signifie que ce seront les policiers et les gendarmes qui seront réquisitionnés pour combler le manque d’effectifs.

Neufs agents sans titre de séjour lors du mondial de rugby

Le risque de pénurie d’effectifs pourrait pousser les entreprises de sécurité privée à se montrer moins sourcilleuses avec le CV de leurs recrues. Et les décider à employer des personnes sans carte professionnelle. Pendant la coupe du monde de rugby, une société avait employé neuf personnes sans titre de séjour. Le recours à des chaînes de sous-traitance (la loi Sécurité globale autorise jusqu’à deux maillons de sous-traitance) accentue ce risque.

En 2023, Le Parisien a rapporté que le Centre national des agences privées de sécurité (Cnaps) ne comptait que 13 contrôleurs en Ile-de-France. L’administration de contrôle du secteur est chargée de vérifier que les agents déployés ont bien une carte professionnelle, mais aussi que leur comportement est conforme aux exigences de sécurité.

Du côté du Cnaps, son président, le préfet David Clavière, assure que l’organisme sera en mesure de jouer pleinement son rôle pendant les JOP. « Nous sommes en train de nous organiser. En interne, nous mobiliserons en priorité la quinzaine de contrôleurs qui travaillent habituellement en Ile-de-France, sur les 53 que nous comptons, mais ceux des autres régions seront eux aussi mis à contribution. En externe, d’autres services de l’Etat seront mobilisés : l’inspection du travail, l’Urssaf… Les entreprises sont prévenues »

Il existe deux millions de drones civils en France. Crédit : pexels
scénario 4

Les drones de Daech s’abattent sur la cérémonie d’ouverture​

Le scénario noir. Huit hommes de nationalité française, âgés de 23 à 34 ans, inspirés par la propagande de Daech, décident de faire un carnage pendant la cérémonie d’ouverture des JO. Ils achètent vingt petits drones civils qu’ils chargent d’un explosif artisanal et de projectiles métalliques. La presque totalité des engins sont détruits par les forces de sécurité mais l’un d’eux parvient à exploser au-dessus des spectateurs. Deux badauds meurent et des dizaines d’autres sont blessés dans le mouvement de foule qui suit.

Les faits. « La menace existe ». Membre de la commission Défense, le sénateur François Bonneau ne cherche pas à rassurer. Actuellement en formation à l’Institut des hautes études du ministère de l’Intérieur, il fait partie d’un groupe de travail sur la menace d’attaque terroriste par drone pendant les JOP. « Une attaque par drone, c’est moyen minimal, effet maximal. Sur un drone de 800 grammes, vous pouvez attacher une charge de 200 à 300 grammes. Si ça explose dans une foule, bonjour les dégâts ».

En 2024, toutes les conditions semblent réunies pour pousser des individus malintentionnés à adopter cette tactique. Des fabricants comme le chinois DJI, leader du marché, proposent leurs gadgets pour moins de 2000 euros. A cela s’ajoute « la grande accessibilité d’explosifs peu réglementés » qui « peuvent être utilisés comme charges utiles », s’alarme le Bureau antiterroriste des Nations Unies dans son Guide des bonnes pratiques en matière d’antidrone, publié en 2022. En France, on pense au nitrate d’ammonium, dont les sites de stockage de moins de 250 tonnes ne font l’objet d’aucune surveillance.

Erbil, Rio, Tokyo…

Les groupes djihadistes le savent bien. Ils sont passés maîtres dans ce mode opératoire. Leurs premières victimes par drone piégé ? En 2016, à Erbil, au Kurdistan irakien. Ce jour-là, l’EI tuait deux combattants kurdes et blessait deux commandos français. L’appareil était un « avion construit en polystyrène », du type de ceux en vente dans les magasins de modèles réduits.

La même année, aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro, des agents d’Al-Qaïda exhortent leurs adeptes à cibler les athlètes et spectateurs israéliens par tous les moyens, y compris les drones. La nébuleuse terroriste n’invente rien. 1994 : la secte Aum Shinrikyo tente d’utiliser deux hélicoptères télécommandés pour répandre du gaz sarin sur Tokyo. 2015 : un homme fait voler un drone transportant du sable radioactif jusque sur le toit du bureau du Premier Ministre japonais.

Parade ou pas Parade

« Le système anti-drone des JOP combinera des moyens lourds et des moyens légers », avance le général de brigade aérienne Arnaud Bourguignon, qui en sera le chef d’orchestre. Les moyens légers consistent en des fusils brouilleurs. Efficaces à courte portée, ils ne peuvent protéger un site de grande superficie, comme celui de la cérémonie d’ouverture. Qui plus est contre tout un essaim. D’où l’intérêt de moyens lourds. Pour ces derniers, la Direction générale de l’armement a passé commande de six unités du système Parade, conçu conjointement par Thales et CS Group.

En novembre, le président de la commission sénatoriale Défense, Cédric Perrin, s’alarmait dans Marianne que la mise au point du système prenne du retard. Au point de créer des doutes sur son bon fonctionnement au moment des JOP. Joint par téléphone, le sénateur explique attendre les conclusions de la mission d’information en cours, pour exprimer son avis définitif. Avant de préciser : « Parade fonctionne mais pas à la hauteur de ce qu’on est en droit d’attendre ».

Le système devait déjà être opérationnel pour le salon aéronautique du Bourget, puis pour la Coupe du monde de rugby. A la place, c’est le dispositif Bassalt qui a été utilisé. « Bassalt fonctionne très bien, donc on a toujours un plan B. Mais si on doit y recourir à nouveau parce que Parade ne serait pas prêt, cela ne doit pas s’improviser au dernier moment ! Nous sommes à deux mois du début des JO », s’agace l’élu.

Sur les 450 millions d’euros consacrés par le Cojop à la sécurité, 17 millions l’ont été pour le cyber, selon la Cour des comptes. Crédits : pexels/Sora Shimazaki
scénario 5

Une cyberattaque met en péril la sécurité de centaines d’athlètes

Le scénario noir. Un groupe de hackers contrôlé par Moscou s’est emparé du système informatique des JOP. Le milliard et demi d’euros de trésorerie semble perdu. Les spectateurs ne peuvent plus entrer dans les stades. Pire, les données personnelles de très nombreux athlètes ont fuité. Parmi les adresses de domicile rendues publiques, celle d’un des rares sportifs russes à avoir pris position contre la guerre en Ukraine. Des ultranationalistes menacent déjà de faire sauter sa maison.

Les faits. JO d’hiver de PyeongChang, en Corée du Sud, en 2018. Juste avant la cérémonie d’ouverture, le site officiel des Jeux olympiques d’hiver cesse de fonctionner. Les spectateurs ne sont plus en mesure d’acheter des billets ni de les télécharger. La wifi ne fonctionne plus au sein du stade, il n’est plus possible de retransmettre les images sur les écrans géants. Le programme malveillant Olympic destroyer vient de s’activer.

Les systèmes seront rétablis au bout de quelques heures, et la cérémonie d’ouverture aura bien lieu le jour où elle était programmée. Mais le message est passé : les cyberattaques d’envergure peuvent aussi toucher les JO.

Comme une répétition générale avant la cérémonie d’ouverture en juillet, plusieurs attaques informatiques ont déferlé, le 10 mars, sur les services de l’Etat. Les groupes pro-russes Anonymous Sudan et NoNames057, qui les ont revendiquées, ont eu recours à une méthode courante, celle du déni de service, ou « DDoS ». Il s’agit d’envoyer un grand nombre de requêtes – ou connexions virtuelles – auprès d’un site internet pour noyer les serveurs sous le flot d’informations. Cette fois, leur « intensité [est] inédite », indique le gouvernement.

« Si des hackers pénètrent dans l’OMS, ils auront potentiellement accès aux données personnelles des athlètes »

La prochaine fois, les organisations cybercriminelles pourraient cibler directement les systèmes informatiques propres aux JOP. Le groupe de hackers Lulzsec affirme d’ailleurs avoir déjà mis HS, durant quelques minutes, le site officiel des Jeux, en février dernier. Là encore par DDoS. Le même mois, Lulzsec s’est illustré en prétendant avoir piraté 600 000 comptes de la Caisse d’allocations familiales. De son côté, la CAF a indiqué que seuls quatre allocataires ont effectivement eu leurs données dérobées.

Avec 1,4 milliard d’euros de recette attendue, la billetterie des JOP constitue une cible de choix. « L’Etat prend le risque financier très au sérieux », confirme Nicolas Hernandez, PDG de l’entreprise de conseil en cybersécurité Aleph Networks. Une intrusion dans l’Olympic Diffusion System (ODS) aurait également de lourdes conséquences. Cette application fournit en temps réel les résultats des épreuves sportives aux médias.

Mais le pire serait peut-être que les pirates accèdent à l’Olympic management system (OMS). Cette application gère les accréditations des athlètes, des entraîneurs, des journalistes, etc. Les demandes sont faites sur l’application, qui les communique au Sneas. « Si des hackers pénètrent dans l’OMS, ils auront potentiellement accès aux données personnelles des athlètes : adresse, photocopie de la carte d’identité… », détaille Nicolas Hernandez.

Les spécialistes de la cybersécurité, eux-mêmes visés par les attaques

L’OMS comme l’ODS sont fournis par Atos, le géant français des systèmes d’information. C’était déjà Atos qui s’était fait pirater à PyeongChang. Le programme malveillant Olympic destroyer aurait pénétré les systèmes informatiques du prestataire français plusieurs mois avant la cérémonie d’ouverture, expliquait le média spécialisé Cyberscoop.

En mars 2023, le groupe de cyber pirates Cl0p a affirmé que les systèmes d’Atos ont de nouveau été infiltrés. Dans un communiqué, Atos nie avoir été victime d’une cyberattaque, mais reconnaît qu’une de ses filiales s’est bien faite hackée par ce groupe.

En plus de fournir les systèmes IT à Paris 2024, Atos est également l’une des deux principales entreprises privées chargées par le Cojop de la sécurité des systèmes. L’autre société est l’américain Cisco, lui aussi victime d’une cyberattaque en 2022. Le pirate était associé à plusieurs groupes de hackers connus, dont le gang chinois Yanluowang. Il aurait utilisé les informations d’identification d’un employé de Cisco pour accéder au réseau de l’entreprise.

« Certains prestataires de Paris 2024 ont été victimes de ransomware »

Nicolas Hernandez, PDG d’Aleph Networks, entreprise mandatée par le Cojop pour un audit de la cybersécurité, assure que « certains prestataires de Paris 2024 ont été victimes de ransomware ». Par mesure de précaution, il ne nous dévoilera pas leurs noms, ni s’il s’agit d’autres sociétés qu’Atos et Cisco. Si les données volées n’étaient « pas de nature sensible », nous précise-t-il, « elles constituent des moyens d’entrer pour les hackeurs ». C’est le principe du phishing. « Si un salarié de l’entreprise ciblée reçoit un faux mail de l’assurance maladie avec son nom, son adresse, son numéro de téléphone, il va davantage avoir envie de cliquer ».

Le gouvernement a confié à l’Agence nationale de sécurité des systèmes informatiques le soin de piloter la stratégie de prévention des cyberattaques. Peu diserte, celle-ci s’est contentée d’assurer, par la voix de son directeur Vincent Strubel, que « nous serons prêts le moment venu ».